Un goût de whiskey irlandais

Il y a aussi la question du « e » supplémentaire pour Excellence dans l'orthographe de « whiskey » irlandais, pour le distinguer du « whisky » écossais (une vieille taquinerie qui gagne en mordant avec le boom actuel du whiskey irlandais) l’un des spiritueux haut de gamme à la croissance la plus rapide au monde.

Il y a aussi l’histoire d’un agriculteur local qui fertilise ses pâturages avec l’abondante réserve de drêches de la distillerie, restes du brassage du moût (pensez à la bière douce à faible teneur en alcool) qui doit être distillé pour obtenir un nouveau spiritueux.

Cette solution zéro déchet fonctionne très bien pour ses vaches heureuses, nourries au pâturage, reconnaît l’agriculteur avec un clin d’œil.

Pour que ce nouveau spiritueux devienne un whiskey irlandais, Audrey nous dit qu’il doit reposer au moins trois ans et un jour dans des fûts, mais plus c’est long, mieux c’est.

Il est fascinant de comparer cette paire devant moi et de voir comment les différents fûts utilisés pour terminer le vieillissement du blended whiskey Three Crowns Dunville peuvent apporter des caractéristiques si différentes de celles des anciens fûts de bourbon dans lesquels le whiskey commence à vieillir.

Les whiskeys tourbés sont rares en Irlande. Audrey explique que ces notes subtiles fumées et salées dans Three Crowns Peated proviennent d’un bref repos dans des fûts de deuxième usage achetés dans l’ouest de l’Écosse, où le Scotch fortement tourbé est populaire.

Les notes plus douces de mon deuxième échantillon sont dues aux derniers mois passés dans des fûts de sherry, un clin d’œil à la longue tradition irlandaise qui consiste à réutiliser les fûts de sherry pour sa propre production de whiskey.

Certains dégustent une petite gorgée de Bán Poitín, une boisson du terroir inspirée de l’alcool irlandais non mis en fût qui a survécu à près de quatre siècles de production illicite avant que son interdiction soit révoquée à la fin du XXe siècle.

Echlinville fait un Bán Poitín pour Bar 1661 à Dublin, qui est à la tête d’un renouveau des cocktails modernes tout en réclamant l’héritage de cette eau-de-vie irlandaise.

D’autres ont opté pour l’un des quatre gins produits par cette distillerie, un nombre qui reflète l’essor parallèle des gins artisanaux irlandais. Il y a le léger et citronné Feckin Gin, nommé d’après un saint local légendaire pour ses pouvoirs magiques.

Il y a le Jawbox, un gin sec artisanal parfumé aux fleurs d’ajoncs des montagnes noires au-dessus de Belfast ; et le gin rafraîchissant Weavers Gin, un hommage à l’industrie historique du lin de la ville.

Le gin Echlinville est produit dans le « pot still » en cuivre artisanal que nous pouvons voir sur le sol de la distillerie sous nos pieds, et aromatisé avec le varech sucré du proche Strangford Lough, parmi d’autres plantes locales.

D’autres, comme mon gracieux conducteur désigné, choisissent judicieusement d’échanger leurs bons de boissons contre un achat dans la boutique de cadeaux bien achalandée. Elle est installée dans les dépendances d'origine de ce qui était autrefois un domaine de 750 hectares.

La cour intérieure adjacente des écuries du XVIIe siècle est destinée à être développée en un musée célébrant l’histoire de cette propriété et des marques de whiskey de patrimoine qui sont ressuscitées ici, dont Old Comber, Matt D’Arcy et son produit phare Dunville’s, qui était l’un des whiskeys les plus célèbres d’Irlande avant que la production ne s’arrête dans les années 30 pendant 80 longues années.

La maison seigneuriale a été conçue pour la famille Echlin par Sir Charles Lanyon, qui a laissé sa marque sur le paysage de l’Ulster avec des constructions aussi variées que la Maison des douanes de Belfast, l’Université Queen’s, la prison et le tribunal de la route Crumlin, et la côte d’Antrim avec son viaduc de Glendun.

S’étendant sur 18 hectares, la propriété a été achetée par Shane Braniff, un agriculteur de quatrième génération de la péninsule d’Ards qui a déménagé dans le domaine avec sa femme Lynne et leurs trois enfants en 2007.

Comme beaucoup de gens qui ont la fibre entrepreneuriale et qui s’intéressent à la renaissance du whiskey irlandais, Shane rêvait de fabriquer son propre whiskey. En 2013, il a commencé la construction de cette ambitieuse distillerie.

Trois ans plus tard, la distillerie d’Echlinville est entrée dans l’histoire en devenant la première nouvelle distillerie à ouvrir ses portes en Irlande du Nord en 125 ans. Plusieurs autres ont suivi le mouvement dans le cadre de la renaissance de la distillation irlandaise sur l’ensemble de l’île, les distilleries ayant été multipliées par dix en l’espace d’une douzaine d’années, passant de quatre à peine en 2010 à plus de quarante aujourd’hui.

L’équipe d’Echlinville est l’une des rares à poursuivre une vision du champ au verre. Toute l’orge destinée à la fabrication de ces nouveaux spiritueux est cultivée sur cette péninsule préservée, qui était autrefois le grenier à blé de l’Ulster grâce à son microclimat unique. La majeure partie de l’orge provient des fermes de la famille Braniff, où l’orge est également maltée à la main selon la méthode traditionnelle.

La visite avec Audrey permet de suivre le parcours de cette orge, depuis son arrivée dans deux silos à grains distincts, destinés respectivement à l’orge maltée et à l’orge non maltée, jusqu’à sa pesée dans les trémies, sa mouture, son humidification et sa chauffe dans la cuve d’empâtage pour produire le moût.

Nous rencontrons le « pot still » (alambic) en cuivre à petite échelle utilisé pour fabriquer le gin Echlinville et le « pot still » (alambic) expérimental très actif encore utilisé pour le développement de produits. Nous pénétrons dans le silence d’une vaste salle de maturation, où des fûts de toutes formes et de toutes tailles attendent d’atteindre l’excellence en matière de whiskey, avec des marques faites à la craie donnant des indications sur les trésors qu’ils renferment.

Audrey parsème ce voyage des renseignements sur l’histoire, comme la raison pour laquelle l’orge non maltée est devenue la clé du style traditionnel du « single pot still » de l’Irlande. (Les distillateurs irlandais du XVIIIe siècle ont adopté un pourcentage élevé d’orge brute non maltée pour contrer les taxes écrasantes sur l’orge maltée).

La visite constitue un excellent aperçu pour les néophytes de la distillation irlandaise, mais elle offre également de nombreuses informations aux amateurs de whiskey. J’ai appris, par exemple, que les tonneliers américains du début du XXe siècle sont à l’origine de l’offre actuelle de fûts de bourbon de seconde main : leur influent syndicat a fait pression pour que la loi actuelle stipule que tous les bourbons doivent être vieillis dans du chêne neuf.

À la fin de la visite, nous prenons le temps d'explorer le domaine. Il y a des plans pour étendre les expériences des visiteurs ici afin de mettre en valeur certains excellents producteurs alimentaires locaux, et d’apparier les boissons diverses d’Echlinville avec des produits comme Young Buck, un fromage bleu au lait cru de style Stilton fabriqué tout près à Newtownards.

Vous pourriez passer la journée sur la péninsule d’Ards en visitant pendant quelques heures Mount Stewart, qui appartiennent au National Trust par exemple, ou passer la nuit à explorer Strangford Lough en canoë avec l’un des nombreux prestataires locaux de sports nautiques.

Pour nous, à l’heure où le soleil se couchait sur l’estuaire du lac, il était temps de prendre notre voiture et de suivre la route du bord de mer pour retourner vers les lumières de Belfast.