Fabrication de Gin à la Listoke Gin School
« Il vous suffit de suivre votre instinct », explique Teresa Holland, notre tutrice enjouée de l'école de gin, qui nous laisse découvrir la gamme parfumée de plantes fraîches et séchées étalée devant nous. « Voyez ce qui vous saute aux yeux. »
Mes yeux se posent sur les violets profonds, les rouges roux, les ambres terreux et les verts poussiéreux des baies de sorbier séchées, des fleurs d'hibiscus et de souci, de la bruyère et du laurier. Ce mélange semble capturer l'esprit des haies de la fin de l'été bordant les chemins de traverse qui m'ont menée jusqu'ici aujourd'hui. Je les mets dans ma cruche en acier inoxydable étincelante.
Plantes à la Listoke Gin School, comté de Louth © Therese Aherne
Je suis venue à la Listoke Gin School, qui est située juste à côté de Monasterboice, dans le comté de Louth, à une heure de route de Dublinet de Belfast par l'autoroute M1, pour découvrir la tradition de la distillation artisanale, en plein essor en Irlande. Après un XIXe siècle mouvementé pour la distillation irlandaise puis un XXe siècle morose, le nombre de distilleries en Irlande est passé de seulement quatre en 2010 à plus de 40 au début des années 2020.
Listoke a été fondée en 2016 et est la première école de gin d'Irlande, avec une microdistillerie desservie par un alambic de 50 litres capable de produire 30 bouteilles de gin par lot. Ils sont spécialisés dans le gin de style London Dry, qui est au départ un spiritueux au goût neutre, redistillé ensuite avec d'autres plantes. Avec l'augmentation de la demande pour le gin au goût prononcé de Listoke, la distillerie a également fini par emménager à son emplacement actuel pour abriter deux alambics bien plus grands, d'une capacité de 500 litres et de 2 000 litres chacun. Aujourd'hui, Listoke est la plus grande distillerie de gin d'Irlande, bien que la production se fasse toujours en lots contrôlés de manière méticuleuse afin de garder un œil sur la qualité.
Bronagh Conlon, directrice générale de la Listoke Distillery © Therese Aherne
Gin mis en bouteille à la Listoke Gin School © Therese Aherne
En vous inscrivant à une expérience éducative de ce type, vous plongerez rapidement au cœur de la scène culinaire artisanale et dynamique de l'Irlande pour rencontrer les personnes impliquées et mieux comprendre leur métier. Qui plus est, dans le cas d'une école de gin, vous pourrez également créer un souvenir sur mesure qui immortalise le moment et qui pourra être partagé plus tard avec votre famille et vos amis. J'ai déjà rassemblé ce que Teresa a expliqué être les plantes de base pour mon gin.
Il faut des baies de genièvre, bien entendu. « Il y a deux règles pour qu'un gin soit un gin », a-t-elle dit à sa douzaine d'étudiants alors que nous sirotons notre verre de G&T en guise de bienvenue. « La première est qu'il doit avoir une teneur en alcool d'au moins 37 %, et la seconde est qu'il doit contenir du genièvre. » Nous avons également ajouté des graines de coriandre pour donner à notre gin un goût de noisette et deux ingrédients de base pour contribuer à lier les propriétés aromatiques des autres plantes à rajouter : la racine d'iris (racine de fleurs d'iris barbu, séchée pendant cinq ans maximum) et la racine d'angélique (l'un des rares muscs d'origine végétale).
Teresa Holland donnant un cours à la Listoke Gin School, dans le comté de Louth © Therese Aherne
J'ai maintenant le champ libre pour suivre mon instinct sur les autres plantes, et mon nez me guide vers le parfum enivrant de l'encens. « C'est difficile à décrire », explique Teresa, « mais c'est un peu boisé, comme le vinaigre balsamique vieilli avec un goût aigre-doux. » On en met également.
Une certaine fraîcheur au début de l'automne qui envahit l'air aujourd'hui me donne envie de mettre en bouteille un peu de cette douce chaleur estivale. La douce chaleur du poivre du Sichuan. Des écorces d'orange et de citron gorgées de soleil. Je les ajoute avec quelques amandes pour donner du coffre et je rajoute des huiles à mon gin (selon Teresa, « plus il y a d'huiles, plus la sensation en bouche est visqueuse. »)
À présent, je fais le point avec Teresa pour savoir ce qui pourrait manquer pour l'équilibre si important. Elle recommande de rajouter des épices pour équilibrer ce qui sera un gin floral et herbacé, avec des notes chaudes d'agrumes, une touche de chaleur apportée par le poivre du Sichuan et 2 capsules de cardamome de couleur verte. Je suis enchantée par l'explosion de couleurs et d'arômes qui en résulte, mais je ne peux pas résister à une cuillère dorée de miel aux fleurs de bruyère, récolté par la Native Irish Honey Bee Society, non loin de là, à Drogheda.
Agrumes et basilic destinés au cours © Therese Aherne
Pesée des ingrédients à la Listoke Gin School © Therese Aherne
Nous versons le miel directement dans le fond en forme de poire de mon alambic individuel en cuivre, auquel l'alcool de base à 37 % a déjà été ajouté. Je dépose les plantes séchées, puis nous plaçons l'alambic sur la source de chaleur électrique afin de tout porter lentement à ébullition.
Au fur et à mesure que l'alcool se transforme en vapeur, cette dernière monte dans l'alambic et redescend à travers un serpentin de cuivre refroidi par de l'eau froide. L'alcool étant un excellent solvant, la vapeur dégage les composés aromatiques des plantes qui ont macéré. Enfin, l'effet rafraîchissant du serpentin condense la vapeur en un liquide – désormais un alcool hautement concentré et très aromatique d'une teneur en alcool jusqu'à environ 70 %, prêt à être coupé avec une eau d'osmose inverse très pure pour obtenir la teneur en alcool de mon choix.
Distillation de gin dans un alambic en cuivre, Listoke Gin School, comté de Louth © Therese Aherne
Tout cela prend du temps, alors nous laissons Teresa superviser le processus et nous nous rendons à la distillerie principale – un verre de G&T à la main – pour une visite avec sa jeune collègue Ciara Callaghan.
Ciara explique que tous les gins ne sont pas créés de la même manière. Dans la distillation du gin, ce sont les « têtes » lourdes en huile (le liquide initialement recueilli lors du processus de distillation) qui peuvent vous donner la fameuse gueule de bois si vous buvez du gin. En tant que marque haut de gamme produite par lots, Listoke ôtent les têtes et met uniquement en bouteille le « cœur », c'est-à-dire le liquide de qualité qui s'écoule ensuite. « Ce n'est pas le cas de tous les distillateurs », avertit Ciara.
Ciara Callaghan, Listoke Gin School, comté de Louth © Therese Aherne
Préparation du gin pour le distiller, Listoke Gin School © Therese Aherne
Les têtes sont mises en bouteille et font un excellent désinfectant pour les mains, car ces huiles naturelles empêchent le dessèchement de la peau. Listoke a été la première distillerie irlandaise à produire du désinfectant pour les mains pendant la pandémie lorsque Bronagh Conlon, directrice de la distillerie et ancienne infirmière, a rapidement reconnu son utilité et en a fait don aux écoles et hôpitaux locaux. Les « queues » (le liquide final qui s'écoule) sont également prélevées et redistillées pour obtenir un Grain Neutral Spirit pur à environ 96 %, qui peut être utilisé comme alcool pharmaceutique ou cosmétique.
Ciara nous parle également des nombreux gins que Listoke fabrique pour d'autres marques telles que Kells Gin et Grace O’Malley, ainsi que des profils de saveurs créatifs qu'elle imagine pour sa First Sip Society. Ce service d'abonnement bien pensé propose des gins en édition limitée avec des variations saisonnières, s'inspirant de la fraise, du citron vert et du basilic en plein été ou du potiron et des épices pour Halloween.
Aliments provenant de la vallée de la Boyne © Therese Aherne
Nous retournons dans la classe pour vérifier nos gins qui sont toujours en train de bouillonner. Nous grignotons un festin de délices locaux d'autres producteurs membres du réseau Boyne Valley Flavours, tels que du fromage bio Boyne Valley Pastures et du salami Wooded Pig.
Au moment de couper le gin, nous ajoutons progressivement l'eau hautement purifiée, en goûtant constamment afin d'obtenir un équilibre parfait entre les arômes botaniques. Certains décident de mettre en bouteille leur gin avec une teneur d'alcool à 55 % ou plus ; je ramène le mien à 46 %, point auquel le caractère des baies de la fin de l'été apporte une touche chaleureuse.
Clare Campbell mettant en bouteille le gin qu'elle a fabriqué à la Listoke Gin School © Therese Aherne
Étiquetage du gin distillé à la Listoke Gin School © Therese Aherne
Puis il est temps de repartir avec ma bouteille de gin personnalisé, et de reprendre ma route sur ces chemins de traverse verdoyants. Je fais un détour pour admirer la haute croix du Xe siècle dans les ruines monastiques de Monasterboice, où j'imagine les vues imprenables depuis la tour ronde qui subsiste et surplombe la vallée de la Boyne en contrebas, jusqu'aux tombes mégalithiques de Brú na Bóinne.
Dans les ruines paisibles de l'abbaye de Mellifont datant du XIIe siècle, je m'assois et profite des derniers rayons du soleil de la fin d'après-midi, sachant que chaque verre de gin de ma précieuse bouteille de Hedgerow Heat (ou Chaleur des haies comme je l'ai baptisée aujourd'hui) me ramènera à ce moment calme dans la magnifique vallée de la Boyne.